Introduction
Aujourd’hui, les patients nous demandent de plus en plus de solution pour ne plus porter de lunettes et d’avoir un confort quotidien pour la vision de près et la vision de loin quelque soit l’âge du patient. Notamment lorsque le diagnostic de la cataracte tombe, nous chirurgien ophtalmologiste nous en profitons pour parler et échanger avec les patients (pour ceux qui le souhaitent) de trouver le meilleur résultat pour avoir cette indépendance en lunettes. Depuis quelques années, de nouveaux implants dans la chirurgie de la cataracte sont arrivés sur le marché. C’est le moment d’en parler !!
Les implants à profondeur de champ que l’on appelle Monofocal plus ou EDOF pour Extended Depth Of Field sont apparus après la crise du Covid. Leur utilisation pour la correction de la vue dans le cadre d’une chirurgie de la cataracte a bouleversé les pratiques des chirurgiens ophtalmologistes. Les premiers implants ont été posés en 2016 et on note une explosion de leurs poses à partir de 2020.
Ils en existent de nombreux et ont tous une définition commune provenant de L’ANSI (American National Standards Institute)
Ces implants doivent permettre au minimum :
- Une augmentation de la profondeur de champ supérieure ou égale à 0,50 D,
- Une acuité intermédiaire à 66 cm supérieure ou égale à 6/10,
- Une acuité visuelle de loin comparable à l’implant monofocal
Cependant, il existe une véritable disparité dans leur efficacité et il est important de comprendre et de faire le point sur la technologie utilisée et les résultats qu’il faut attendre de ces lentilles intraoculaires dans la chirurgie de la cataracte.
Il existe deux types d’implants EDOF : les implants diffractifs et les implants réfractifs. Les implants EDOF diffractifs utilisent à la fois la technologie de la profondeur de champ permettant une diminution des halos et des pertes de contrastes associée à la multifocalité qui a pour but une acuité visuelle de près de meilleure qualité. Cependant les implants diffractifs nécessitent une neuroadaptation importante pour le patient et cela ne peut pas convenir à tout le monde.
Ce nouveau principe optique façonne le front d’onde de sorte que le point focal soit modifié pour former une plage focale continue et étendue, et il a été cliniquement prouvé qu’il répondait à l’intention du design. / notamment les petites ouvertures, l’aberration sphérique, la mise en forme de l’onde et les optiques diffractives.
Les implants EDOF réfractifs peuvent être classés en 3 catégories
- A petite Ouverture
- A aberration sphérique
- A Wavefront shaping
Les Implants EDOF à petite ouverture sont utilisés lors de la chirurgie de la cataracte sur l’œil dominé. Ils agissent comme un véritable trou sténopeique permettant ainsi d’avoir une bonne vision de loin mais aussi de près. Nous parlerons plus tard des courbes de défocus.
Les implants EDOF à aberration sphérique vont disperser légèrement la lumière de manière contrôlée, créant ainsi une plage de mise au point plus étendue. (Variations dans la courbure de la lentille).
Enfin, les implants Wavefront shaping (mise en forme du front d’onde) est une technologie plus avancée qui modifie directement le front d’onde de la lumière entrant dans l’œil pour créer une plage focale continue et étendue. Cette technologie utilise des éléments de surface complexes sur la lentille pour façonner le front d’onde. Il contrôle la propagation spatiale de la lumière de manière très précise, de sorte que lorsqu’elle atteint la rétine, elle forme une région focale étendue et continue, offrant ainsi une vision claire de loin à près.
Dans ce tableau, vous trouverez les principaux implants EDOF à profondeur de champs avec leurs technologies :
En pratique, ces implants vont permettre d’avoir une qualité visuelle avec moins de halos et moins de perte de contraste que les implants multifocaux. En revanche, pour la vision de près, l’implant multifocal trifocal reste le gold standard. Nous éviterons juste d’en poser chez les forts myopes ou les patients conduisant beaucoup en raison des halos nocturnes pouvant entraîner des désagréments pour la conduite de nuit.
Il existe une façon d’améliorer la vue de près grâce à ce type d’implants dans la chirurgie de la cataracte. Grâce à notre système de vision binoculaire, nous allons favoriser sur l’œil dominant la vision de loin et la vision intermédiaire et sur l’œil dominé (non directeur), nous allons légèrement sous corrigé le résultat afin d’améliorer la vue de près sans que le patient soit gêné car la différence entre les deux yeux sera minime.
Afin de mieux comprendre comment ces implants fonctionnent, il est nécessaire de comparer les courbes de défocus entre un implant monofocal standard, un implant monofocal plus, un implant EDOF et un implant trifocal. Les différents tableaux ci-dessous permettent d’avoir une idée du comportement de l’implant dans l’œil.
Comment se lit une courbe de défocus ?
La courbe de défocus permet d’évaluer l’acuité visuelle à différence distance : De près (entre 33 et 40 cm), en intermédiaire (66cm) et de loin (au-delà de 3 mètres.
Comme vous pouvez le constater, la courbe de défocus de l’implant multifocal trifocal est plutôt en plateau permettant ainsi d’avoir les 3 visions. En revanche, la courbe de l’implant monofocal s’effondre vite. En ce qui concerne les deux autres types d’implants, cette courbe est en pente douce avec un effondrement pour la vision de près. Seul l’implant à petite ouverture à mettre sur l’œil dominé est proche de l’implant multifocal même si elle reste de moins bonne qualité.
Implants EDOF : Quel est le patient idéal ?
Le patient idéal est le patient dans un premier temps qui souhaite ne plus porter des lunettes et donc avoir une indépendance en lunettes. Le plus souvent, nous allons ciblé le retraité actif qui travaille sur ordinateur, sans antécédents médicaux particuliers et qui sera d’accord pour avoir parfois des lunettes pour la vision de près. Et bien entendu, un patient qui ne souhaite aucune gêne pour la conduite. L’exigence pour la vision de près doit être moindre et il est important que la patient puisse comprendre cette donnée qui est indispensable à la pose de cet implant dans la chirurgie de la cataracte.
Quel est le dossier idéal pour le chirurgien ?
En ce qui concerne le chirurgien, celui-ci réalisera un bilan complet ophtalmologique afin de s’assurer de l’innocuité pour l’œil du patient de la pose de cet implant. Il réalisera ainsi une acuité visuelle, mesure de la tension oculaire, une tomographie à cohérence optique de la rétine, une topographie cornéenne, un fond d’œil ainsi qu’une analyse des larmes et de la pupille. En effet, la pupille a un rôle primordial dans l’efficacité de l’implant car celui-ci fonctionnera grâce à la pupille. Une pupillométrie sera alors réalisée. Ainsi la pupille sera mesurée en vision photopique (de jour) et en vision (scotopique) de nuit. Le chirurgien va s’assurer que de jour elle se situe aux alentours de entre 2.5 mm et 3.5 mm et de nuit au-dessus de 4.5 mm afin la vision de loin et la vision de près soit le maximum respecté. Il analysera l’angle Kappa qui est l’angle entre la vision anatomique et la vision réelle du patient. Celui-ci ne doit pas excéder 7 degrés. Il sera analysé lors de la réalisation de la topographie sur le pentacam ou encore le MS39.
Pour conclure sur les implants EDOF
Il existe une gamme importante de ces implants (plus d’une quinzaine sur le marché), c’est au chirurgien de choisir le plus adapté pour le patient et selon les habitudes du chirurgien et de sa pratique professionnelle quotidienne. Il informera le patient sur le caractère éligible ou non de ces implants à profondeur de champs dans la chirurgie de la cataracte, il aura étudié en amont les courbes de défocus des implants proposés par les laboratoires avant de se lancer dans ce domaine. Il étudiera le jeu pupillaire et vérifiera l’angle Kappa, éléments importants pour l’efficacité de l’implant. Ces implants permettront d’avoir une meilleure qualité visuelle de loin sans halos mais au dépend d’une acuité visuelle moindre par rapport à un implant multifocal trifocal. L’astuce afin d’améliorer la vue de près est de sous corrigé l’œil dominé. Enfin, l’intelligence artificielle et l’amélioration de la technologie du wavefront shaping permettront un jour d’arriver à une indépendance totale des lunettes sans compromis. Nous n’y sommes pas encore mais dans un futur proche, nous pourrons opérer nos patients afin de les libérer du port de lunettes que ce soit dans le cadre d’une chirurgie de la cataracte ou une chirurgie au laser.